Red Cliff (Falaise Rouge)

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Pierre et fer

Depuis des milliers d’années, les humains utilisent la pierre pour fabriquer des outils sur l’île de Terre-Neuve. Les membres d’une culture appelée l’Archaïque maritime ont été les premiers habitants de l’île il y a environ 6 000 ans. Plus tard, il y a environ 2 000 ans, un peuple pré-inuit de la période du Dorset est arrivé. Ces groupes utilisaient différentes pierres pour fabriquer des outils essentiels à leur survie, comme des pointes de flèches, des grattoirs, des pointes de harpons, des lances et des haches. De nombreux outils en pierre ont été découverts dans la région, notamment sur les Long Islands, que vous pouvez voir à partir d’ici dans la baie.

Ces outils en pierre étaient principalement fabriqués avec des pierres siliceuses qui peuvent être écaillées et taillées en pointes et en arêtes tranchantes, comme le chert, la rhyolite et le jaspe. Au nord-ouest de la baie de Bonavista, des archéologues ont découvert une carrière de rhyolite dans un endroit appelé Bloody Bay. Différents sites sur la péninsule de Bonavista contenaient des outils en chert de la baie de Trinity, un chert blanc et gris unique. À d’autres endroits, des outils en chert de Ramah ont été trouvés. Le chert de Ramah provient du Nord du Labrador, et sa présence ici a aidé les archéologues à mettre au jour les réseaux complexes de troc sur de longues distances établis entre les anciens peuples du nord-est de l’Amérique du Nord.

Les Béothuks, dont le territoire couvrait la majeure partie de l’île au cours de la période historique, utilisaient des outils en chert, en rhyolite et en jaspe, mais ils se servaient également d’un nouveau matériau apporté ici par les premiers pêcheurs européens : la fonte. La fonte était fabriquée dans des hauts fourneaux qui faisaient fondre du minerai de fer avec du charbon, pour en façonner des objets comme des casseroles, des chaudrons et des clous. Les Béothuks ont rapidement compris l’utilité du matériau et récupéraient les objets en fer laissés sur les lieux de pêche que les Européens abandonnaient pendant l’hiver, lorsque la saison de pêche était terminée et qu’ils retournaient en Europe. Ils remodelaient habilement ce fer pour en faire des pointes de flèches, des pointes de lances et des pointes de harpons.

L’ocre à travers le temps…

Depuis des temps immémoriaux, l’ocre rouge, une argile riche en oxyde de fer que l’on trouve partout sur la planète, est un matériau important pour les peuples autochtones. Dans les cultures du monde entier et de tous les âges, la couleur rouge symbolise la vie, et l’ocre rouge est utilisée depuis des dizaines de milliers d’années pour les enterrements, la teinture de la peau, la peinture et la décoration. Les peuples de l’Archaïque maritime utilisaient beaucoup l’ocre dans leurs enterrements ainsi que pour teindre leurs outils et leurs vêtements.

Jusqu’au début du XIXe siècle, les Européens appelaient les Béothuks les « Indiens rouges » en raison de leur pratique culturelle consistant à teindre leur peau avec un mélange d’ocre rouge et de graisse de phoque. Cette pratique sacrée visait à réaffirmer l’appartenance culturelle des personnes, mais le mélange aurait aussi eu des utilités pratiques, notamment en tant que répulsif à mouches et écran solaire. Les Béothuks utilisaient également l’ocre dans leurs enterrements ainsi que sur leurs outils, leurs objets artisanaux et leurs canots.

Les colons européens ont également utilisé ce pigment naturel, que l’on peut trouver dans des endroits appelés fosses d’ocre, « ochre pits » en anglais, partout sur l’île. Les bateaux, les voiles et les cordages étaient teints à l’ocre aux fins de préservation. Si vous observez la structure patrimoniale voisine du magasin John Quinton’s Fish and Salt Store, vous verrez qu’elle a été peinte à l’ocre rouge.

Sable rouge et histoires oubliées…

Les roches rouges caractéristiques de la région sont constituées de grès ferrugineux et d’autres roches sédimentaires riches en fer, et elles donnent leur nom à plusieurs endroits, comme Red Cliff et Red Beach. Mais la géologie est aussi entremêlée de légendes, de mythes et d’histoires. Juste au nord-ouest se trouve Bloody Bay, le site d’une ancienne carrière de rhyolite. Selon une histoire, au début de la période coloniale, l’endroit aurait été le théâtre d’une violente rencontre entre des Béothuks et des colons, d’où son nom sanglant, « Bloody » en anglais. Cette histoire est considérée aujourd’hui comme un mythe, mais la violence était bel et bien présente dans les rencontres entre les Béothuks et les Européens, en particulier la violence asymétrique exercée par certains colons à l’encontre des Béothuks. Il est beaucoup plus probable que la couleur rouge des roches soit à l’origine du nom de la baie, mais ce genre de toponyme nous invite à réfléchir à toutes les histoires dont ces roches ont été les témoins au fil du temps.

Si vous le souhaitez, profitez de votre séjour dans la région pour faire une petite randonnée sur la Red Beach Memorial Trail, une boucle de 2,4 km qui mène à une anse unique située à proximité.